La librairie est morte, vive la librairie ! | Les libraires indépendants de Lorraine

12 mars 2015

La librairie est morte, vive la librairie !

L'association LIL est partenaire depuis trois ans du Challenge de la veille. Ce discours a été prononcé lors de la finale de l'édition 2015, à l'IUT Nancy-Charlemagne, le jeudi 5 février 2015. 

Auteur : Marie-Pierre REIBEL, coordinatrice de l'association LIL

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Dans un récent discours intitulé Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l'imagination, l'écrivain Neil Gaiman a déclaré que « les bibliothèques sont la ligne rouge entre la civilisation et la barbarie ». La lecture est en effet fondamentale dans le développement de l'individu. Elle ne sert pas uniquement à lui permettre de se constituer un bagage intellectuel, non, elle va également lui permettre de développer sa compréhension du monde, son empathie, sa compassion et son imagination. Son imagination. C'est à elle que l'homme doit de disposer aujourd'hui de voitures, de téléphones, d'avions qui font le tour du monde en 24 heures et d'ordinateurs qui transmettent des informations en temps réel. Toutes ces choses ont d'abord été des idées, des rêves, avant de devenir des projets concrets. Les romans de Jules Verne n'étaient que des romans au moment de leur parution. Un siècle plus tard, l'homme a marché sur la lune. Et l'imagination ne sert pas que la technologie. Les philosophes des Lumières œuvraient pour le progrès du monde. Leurs idées ont été déterminantes dans les grands événements de la fin du XVIIIème siècle que sont l'indépendance des États-Unis et la Révolution française. Les livres ont un pouvoir. Et les livres restent.

M Gaiman a donc raison de souligner l'importance des bibliothèques mais il a oublié un point crucial : les librairies font partie intégrante de la « ligne rouge ».
En France, les librairies indépendantes constituent un réseau unique au monde de plus de 3 000 points de vente qui emploient plus de 18 000 personnes. C'est un secteur en difficulté mais dont l'attrait est véritable. Une librairie ferme, une librairie ouvre. La librairie est morte, vive la librairie. Et il n'y a pas deux magasins identiques. Chacun a son identité propre, son petit truc en plus. Plus que des commerces, ce sont des lieux de vie et d'échanges. On pousse la porte et on s'en va traîner dans les rayonnages, choisissant un livre au hasard d'une couverture pour en lire le résumé. Si on se perd, le libraire est tout près pour servir de guide. Et même quand on n'avait pas l'intention d'acheter, on ne repart pas forcément les mains vides. La curiosité y a toute sa place.
On nous dit que notre culture doit désormais passer par des écrans. On nous parle du livre numérique, de tablettes et de liseuses. On nous parle moins des problèmes posés par les différents formats des fichiers, lisibles sur certaines machines et pas sur d'autres. On nous parle moins des problèmes posés par les protections apposées sur ces mêmes fichiers pour éviter le partage ou le piratage. Une chose reste sûre cependant, c'est que le papier fait de la résistance et que les librairies, que l'on croyait mortes, sont toujours là. Au-delà de son contenu, l'objet lui-même conserve son attrait – y compris auprès des jeunes.
On nous dit qu'Internet s'est imposé dans les foyers. On nous parle de la vente en ligne. C'est d'ailleurs toujours le même nom qui revient : Amazon. La société américaine qui a mis en place un site pratique, rapide, moderne, le chouchou des Français. Mais aussi la société qui ne paye pas d'impôts en France, toute réfugiée qu'elle est au Luxembourg ; qui a bénéficié de financements publics pour l'ouverture de ses entrepôts sur le territoire français ; et qui détruit plus d'emplois qu'elle n'en crée. Pourquoi penser que les libraires indépendants ne peuvent pas vous rendre les mêmes services tout en vous permettant, à vous, lecteurs, d'agir à votre niveau pour préserver des emplois et des commerces de proximité ? Savez-vous seulement si votre libraire est connecté ? Connaissez-vous les sites lalibrairie.com, leslibraires.fr ou placedeslibraires.fr ? Tous ces sites vous permettent d'acheter en ligne chez des libraires indépendants de la France entière.

Les librairies ne sont pas de simples commerces, elles sont aussi les gardiennes de cette diversité culturelle si chère au cœur des Français. Une diversité menacée, entre autres, par les ambitions de monopole de certains grands acteurs bien connus, qui veulent prendre toute la place, qui y parviendront si nous les laissons faire, et finiront par ne plus vendre que ce qui se vend, au détriment du reste. Il n'y a pas de mal à vendre des best-sellers. L'économie du livre est ainsi faite que l'argent qu'ils génèrent permet de financer d'autres titres. Le problème se posera quand il n'y aura plus que des best-sellers sur les étagères.
C'est maintenant à vous de réfléchir et de choisir ce que vous voulez préserver et défendre. Quelle place voulez-vous accorder au livre et à l'imagination dans le monde de demain ?