L'association LIL est partenaire depuis trois ans du Challenge de la veille. Ce discours a été prononcé lors de la finale de l'édition 2015, à l'IUT Nancy-Charlemagne, le jeudi 5 février 2015.
Auteur : Marie-Pierre REIBEL, coordinatrice de l'association LIL
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Dans un récent discours
intitulé Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l'imagination, l'écrivain Neil Gaiman a déclaré
que « les bibliothèques sont la ligne rouge entre la
civilisation et la barbarie ». La lecture est en effet
fondamentale dans le développement de l'individu. Elle ne sert pas
uniquement à lui permettre de se constituer un bagage intellectuel,
non, elle va également lui permettre de développer sa compréhension
du monde, son empathie, sa compassion et son imagination. Son
imagination. C'est à elle que l'homme doit de disposer aujourd'hui
de voitures, de téléphones, d'avions qui font le tour du monde en
24 heures et d'ordinateurs qui transmettent des informations en temps
réel. Toutes ces choses ont d'abord été des idées, des rêves,
avant de devenir des projets concrets. Les romans de Jules Verne
n'étaient que des romans au moment de leur parution. Un siècle plus
tard, l'homme a marché sur la lune. Et l'imagination ne sert pas que
la technologie. Les philosophes des Lumières œuvraient pour le
progrès du monde. Leurs idées ont été déterminantes dans les
grands événements de la fin du XVIIIème siècle que
sont l'indépendance des États-Unis et la Révolution française.
Les livres ont un pouvoir. Et les livres restent.
M Gaiman a donc raison de
souligner l'importance des bibliothèques mais il a oublié un point
crucial : les librairies font partie intégrante de la « ligne
rouge ».
En France, les librairies
indépendantes constituent un réseau unique au monde de plus de 3
000 points de vente qui emploient plus de 18 000 personnes. C'est un
secteur en difficulté mais dont l'attrait est véritable. Une
librairie ferme, une librairie ouvre. La librairie est morte, vive la
librairie. Et il n'y a pas deux magasins identiques. Chacun a son
identité propre, son petit truc en plus. Plus que des commerces, ce
sont des lieux de vie et d'échanges. On pousse la porte et on s'en
va traîner dans les rayonnages, choisissant un livre au hasard d'une
couverture pour en lire le résumé. Si on se perd, le libraire est
tout près pour servir de guide. Et même quand on n'avait pas
l'intention d'acheter, on ne repart pas forcément les mains vides.
La curiosité y a toute sa place.
On nous dit que notre
culture doit désormais passer par des écrans. On nous parle du
livre numérique, de tablettes et de liseuses. On nous parle moins
des problèmes posés par les différents formats des fichiers,
lisibles sur certaines machines et pas sur d'autres. On nous parle
moins des problèmes posés par les protections apposées sur ces
mêmes fichiers pour éviter le partage ou le piratage. Une chose
reste sûre cependant, c'est que le papier fait de la résistance et
que les librairies, que l'on croyait mortes, sont toujours là.
Au-delà de son contenu, l'objet lui-même conserve son attrait – y
compris auprès des jeunes.
On nous dit qu'Internet
s'est imposé dans les foyers. On nous parle de la vente en ligne.
C'est d'ailleurs toujours le même nom qui revient : Amazon. La
société américaine qui a mis en place un site pratique, rapide,
moderne, le chouchou des Français. Mais aussi la société qui ne
paye pas d'impôts en France, toute réfugiée qu'elle est au
Luxembourg ; qui a bénéficié de financements publics pour
l'ouverture de ses entrepôts sur le territoire français ; et
qui détruit plus d'emplois qu'elle n'en crée. Pourquoi penser que
les libraires indépendants ne peuvent pas vous rendre les mêmes
services tout en vous permettant, à vous, lecteurs, d'agir à votre
niveau pour préserver des emplois et des commerces de proximité ?
Savez-vous seulement si votre libraire est connecté ?
Connaissez-vous les sites lalibrairie.com, leslibraires.fr ou
placedeslibraires.fr ? Tous ces sites vous permettent d'acheter
en ligne chez des libraires indépendants de la France entière.
Les librairies ne sont
pas de simples commerces, elles sont aussi les gardiennes de cette
diversité culturelle si chère au cœur des Français. Une diversité
menacée, entre autres, par les ambitions de monopole de certains
grands acteurs bien connus, qui veulent prendre toute la place, qui y
parviendront si nous les laissons faire, et finiront par ne plus
vendre que ce qui se vend, au détriment du reste. Il n'y a pas de
mal à vendre des best-sellers. L'économie du livre est ainsi
faite que l'argent qu'ils génèrent permet de financer d'autres
titres. Le problème se posera quand il n'y aura plus que des
best-sellers sur les étagères.
C'est maintenant à vous
de réfléchir et de choisir ce que vous voulez préserver et
défendre. Quelle place voulez-vous accorder au livre et à
l'imagination dans le monde de demain ?